Toute la route était encombrée de voitures et ça continuait d’arriver. C’était un bordel comme nous n’en avions pas vu depuis longtemps. Je me sentais en forme après mon opération. J’avais eu droit à l’ambulance et Georges m’avait porté ainsi qu’un malheureux éclopé mais je tenais bon sur mes jambes à présent et j’avais repris toutes mes forces. Edith et Oli m’entraînèrent jusqu’à ma chambre. J’étais profondément heureux de les retrouver et d’être rentré chez moi après toutes ces journées passées à l’hôpital. La maison tremblait de la cave au grenier sur un air de be-bop – il y en avait encore pour nous chier avec ça mais nous allions bientôt redescendre avec nos disques – et semblait sur le point de craquer et de répandre toutes ses lumières dans la rue glacée et sombre.
“Bon Dieu, ça promet… !” fis-je en gesticulant sur le palier, comme si j’étais Elvis en personne.
Ils étaient tous là lorsque je poussai ma porte. Sur le coup, je sentis mes yeux s’embuer. Je me jetai alors dans les bras de Ramona. Puis dans ceux de ma mère, et tous les autres m’embrassèrent à tour de rôle pour me souhaiter la bienvenue. Là-dessus, Georges arriva, tout électrisé d’une joie dont mon retour n’était qu’une bénédiction supplémentaire. “Ah ! mes enfants,” rugit-il en me prenant sous son bras, MES ENFANTS…! Le vent a tourné, sacré nom de Dieu ! Je vous en prie, ne perdons pas de temps… Tout le monde vous attend en bas… !”
Tiré de ‘Lent dehors’ par Philippe Djian.